11- L’excuse

Si l’excuse mérite un chapitre complet, c’est d’abord parce que son rôle de joker ne connaît pas d’équivalent dans les jeux de cartes courants (bridge, belote, manille...). C’est une arme difficile à maîtriser même si la règle lui confère une grande simplicité d’utilisation.

La règle

L’excuse peut être jouée à n’importe quel moment dans la partie sauf au dernier pli. Le propriétaire de l’excuse a donc (à quatre joueurs) dix-sept fois l’occasion de la jouer.

Si l’excuse est jouée en premier (c’est-à-dire par le jouer qui entame le pli), la carte suivante (donc jouée par le joueur situé à sa droite) détermine la couleur demandée.

On peut s’excuser sur n’importe quelle couleur (trèfle, cœur,...) que l’on possède ou non des cartes dans cette couleur . L’excuse peut également être jouée à la place d’un atout. L’excuse ne permet pas de remporter le pli. La règle du " n’importe quand sauf au dernier pli " connaît une seule exception : lorsque le joueur qui la possède fait un chelem (tous les plis). Dans ce cas, l’excuse doit être jouée au dernier pli et remporte ce pli s’il y a effectivement chelem. Le petit est considéré " mené au bout " s’il est joué en avant-dernier (juste avant l’excuse) par le propriétaire de l’excuse.

Pour le décompte des points, le joueur qui joue l’excuse complète le pli par une carte basse qu’il trouve dans les cartes déjà jouées. Ainsi, à quatre joueurs, chaque camp remportera un nombre pair de carte, ce qui facilitera le décompte (rappelons que les points se comptent deux cartes à la fois).

Le fait de rendre une carte pour l’excuse ne s’applique pas à 3 ou 5 joueurs car il ne garantit pas qu’il y aura un nombre pair de carte pour le décompte (chaque pli étant constitué d’un nombre impair de cartes). Les points sont donc comptés, le cas échéant au demi-point.

L’excuse en défense

Celui qui possède l’excuse dispose d’une carte stratégiquement importante à plusieurs égards. Elle permet, et c’est en général sa fonction, d’éviter de dépenser un atout inutilement lorsque le pli est remporté par un partenaire. Elle permet également de conserver le gros atout qui sauvera le petit, de rallonger une couleur ou de protéger ses points et parfois de signaler une situation particulière à ses partenaires.

Protéger ses points

Vous possédez une dame sèche (sans autre carte dans cette couleur). Quel dommage de devoir la poser sur le roi du preneur pour ensuite couper inutilement dans cette couleur. Si vous possédez l’excuse, vous la placerez avantageusement sur le roi du preneur. La dame viendra remporter le pli suivant et la coupe sera retardée au troisième tour.

Conserver un gros atout

Placé derrière le preneur, vous disposez d’un gros atout susceptible de sauver le petit. Le preneur joue atout pour capturer le petit. Il vous faut conserver cet atout pour sauver le petit dès que possible. Vous attendrez donc un éventuel signal de " petit en danger " de la part d’un partenaire.

Rallonger la longue du preneur

En utilisant l’excuse sur l’entame du roi par le preneur, vous annoncerez soit une dame sèche (cas cité plus haut) soit une tenue, ce qui incitera vos partenaires à se débarrasser de leurs atouts pour sauver leurs points sur votre tenue.

Signaler un petit en danger

Lorsqu’un partenaire joue atout pour chasser le petit du preneur ou pour se débarrasser d’atouts encombrants (afin de sauver des points), il met en danger le petit en défense. S’excuser sur un tour d’atout joué par un défenseur lui signifie une interdiction formelle de rejouer atout. Cette signalisation est également utilisée en l’absence de petit en défense mais lorsqu’il est certain que jouer atout revient à faire le jeu du preneur. C’est notamment le cas lorsqu’un défenseur espère utiliser une coupe franche ou pour empêcher le preneur de mener le petit au bout. Ce cas de figure est plus rare car aléatoire.

Laisser la main à un partenaire

Avant de prendre un pli, il est primordial de se demander ce que l’on va jouer au pli suivant. Lorsque cette interrogation aboutit sur une impasse (vous êtes mal placé pour lancer le pli suivant, vous n’avez pas la main forte ou risquez de mettre en porte-à-faux un partenaire), il est parfois préférable de laisser l’initiative à ses partenaires en s’excusant sur un pli forcément remporté par un partenaire mieux placé.

L’excuse en attaque

L ‘excuse dans la main de l’attaquant est nettement plus facile à utiliser. Il faut la placer à l’endroit optimal, c’est-à-dire là où les défenseurs ne pourront pas sauver de points supplémentaires ou bien pour sauver ses propres points, ses gros atouts ou un petit au bout.

Empêcher la défense de sauver ses points

Cela se fera souvent sur une couleur où l’attaquant coupe lorsque qu’il joue en dernier et qu’aucun point n’est sur la table. L’idéal est de s’excuser lorsque l’on laisse le pli au défenseur le plus mal placé pour rejouer. C’est en général celui placé à droite du preneur mais parfois un autre défenseur qui ne pourra suivre la stratégie de ses partenaires, faute d’avoir les cartes pour relancer correctement.

Sauver ses points

Cela peut-être utile de s’excuser pour ne pas donner des points à l’adversaire. Le cas par exemple du doubleton dame-cavalier sec est particulièrement intéressant avec l’excuse. En effet, si le roi tombe au premier tour devant l’attaquant, l’excuse pourra alors être jouée pour gagner ensuite dame et cavalier.

Par contre si vous possédez une dame troisième et qu’un adversaire coupe dans cette couleur, s’excuser ne sert souvent à rien car vos adversaires s’empresseront de jouer cette couleur pour capturer la dame.

Sauver un atout

Jouer l’excuse pour sauver un atout se justifie si l’atout à sauver est un gros atout. En effet, dès que l’excuse sera tombée, votre adversaire placé à votre gauche vous obligera à monter très haut à l’atout, surtout si le petit s’est sauvé.

Mener le petit au bout

Le gain du petit au bout est souvent une course de vitesse où chacun des deux camps essaie de déborder l’autre. Jouer l’excuse prématurément peut être préjudiciable. En effet, lorsque l’attaquant et un défenseur se retrouvent à égalité de reprises de main ( en atout et parfois dans une couleur), l’excuse conservée le plus longtemps possible peut amener à ce que la fin soit " le preneur s’excuse puis coupe, fait couper et recoupe du petit au bout " au lieu de " le preneur coupe, fait couper, recoupe du petit et termine de son huit de carreau maître" !

Ce cas de figure reste rare même s’il n’est pas rare que le petit soit mené au bout à une carte près.

l’effet boomerang

Si l’excuse facilite l’accès au contrat, elle peut également se révéler gênante pour le preneur. Hormis le cas extrême du chelem, cette carte représente un pli que l’on donnera forcément à la défense et, particulièrement lorsque le preneur a un jeu fort, cela peut se payer cher.

Le jeu du preneur

Le but devient alors de placer son excuse soit sur un pli que l’on ne pourra pas faire soit sur un pli le moins cher possible, donc sans tête.

Généralement, le preneur joue son excuse sur un tour d’atout de la défense lorsqu’il est certain que ce pli lui coûtera peu. C’est le cas du tour de l’ambulance (la défense joue atout maître pour sauver le petit) ou du coup d’attente (le défenseur, en début de partie, joue atout pour ne pas prendre d’initiative). Il peut également attendre de jouer en dernier puis s’excuse sur un pli " blanc " (sans tête). Enfin, la dernière possibilité lorsque l’on est sûr d’épuiser la défense à l’atout est de s’excuser lorsque la défense, par ignorance, entame dans sa longue. Cette possibilité est à manier avec précaution car il faut être sûr de maîtriser ensuite le jeu.

L’intelligence de la défense

le but de la défense est de faire " payer " l’excuse au prix fort, c’est-à-dire en y sauvant des têtes (rois ou dames par exemple).

Pour cela, la défense devra s’interdire dans un premier temps de jouer atout (jusqu’à ce qu’un défenseur épuisé en atout puisse y poser des points) et devra poser ses points " insauvables " lorsque le preneur coupe en dernier ou lorsqu’il est surcoupé. Ainsi ces têtes offertes au preneur lui interdisent de s’excuser et l’obligent même à acheter. Il s’épuisera à l’atout et son excuse deviendra de plus en plus gênante et difficile à placer. Il se décidera finalement à la poser sur vos points de peur d’atteindre la pire des solutions : entamer de l’excuse à l’avant-dernier tour !

ATTENTION, le défenseur qui a l’excuse lorsqu’il voit qu’un telle stratégie de sacrifice des points est élaborée par ses partenaires doit vite signaler l’inutilité d’une telle démarche (en posant l’excuse rapidement ou, si elle lui est utile par ailleurs, en donnant au preneur une occasion immanquable de poser l’excuse car les partenaires déduiront alors qu’elle est chez vous puisqu’elle n’a pas été posée à ce moment là).